Une interview des Loved Drones menée par Barth pour le webzine lebuffetplaylist.fr le 18 avril 2013.
Entretien avec The Loved Drones
Signés sur le bien nommé label Freaksville Record, les Belges de The Loved Drones produisent un « rock psychédélique » inventif et sans contrainte. Souffrant d’un anonymat aussi injuste qu’incompréhensible (du moins dans notre cher pays) malgré un premier album de haut vol, on se devait de faire connaissance avec ces drones passionnés au talent mésestimé.
Comment sont nés The Loved Drones ?
Benjamin : Les Loved Drones sont nés en 2009 pour “La femme plastique”, un album “garage-psyché-rock-français” de Miam Monster Miam, un pseudonyme que j’utilisais jadis à une époque ou j’étais un rocker connu de la scène belge, avant d’avoir retourné ma veste !! Nous cherchions un nom pour un side-project pour entrer en studio à Londres, et voilà que nous tombons dans une brocante sur une K7 vidéo de “Invasion Of The Love Drones”, un film X Sci-Fi bien “seventies”. Nous avons rajouté un “d” pour éviter un procès !
Quand j’écoute votre album j’entends Alan Parsons, Giorgio Moroder, Goblin, Tangerine Dream, de la Funk et de la Synth-Wave ; est-ce voulu ou ces influences se sont-elles imposées d’elles mêmes ?
Benjamin : Oui, il y a un peu de tout ça dans “The Tangible Effect Of Love” , mais honnêtement, ce que vous entendez là n’a pas été calculé. Nous nous sommes réunis dans notre studio QG chez Marc notre guitariste, pour enregistrer l’album Kiss de Marie France, l’égérie punk 70. Le jour avant, nous avons improvisé des musiques sans format de chansons. C’est ce que vous entendez sur “Tangible”. L’album est à 95 % ce qui a été joué lors de cette journée. C’est quelques mois après que nous avons trouvé le résultat cool et digne d’intérêt à la réécoute. On avait la grâce ce jour là ! Man From Uranus qui habite Cambridge a rajouté des synthés et sa voix, puis quelques musiciens de la scène jazz sont passés, comme Jean-François Hustin, excellent flûtiste.
Jampur : Aucun calcul, effectivement. Lors de l’enregistrement, Benjamin proposait de partir d’un riff de synthé, de guitare ou d’un beat, avec une idée d’ambiance pour chaque morceau. ça pouvait aller d’une ambiance de film porno 70’s ou d’un documentaire sur les mœurs des nazis en Amérique du Sud, toujours dans les années 70. A partir de là, chaque musicien amenait ses ingrédients…
Marc : Malgré nos horizons différents – je pense par exemple aux influences ‘Garage’ de Jampur Fraize (guitariste) et ‘Brit Pop’ de Jérôme Danthinne (batteur) – , cet album est une vraie marmite improvisée dans laquelle on a projeté nos ingrédients, sans y réfléchir. Il faisait beau, on était content d’être ensemble. C’était un moment magique, une synthèse de nos impulsions.
Sur votre album figure, en guest, Emmanuelle Parrenin. Comment s’est passée cette rencontre ?
Benjamin : Naturellement, on est ultra fan et elle a ouvert pas mal de porte avec ses expérimentations folk jadis. Et puis cette chanson Plume Blanche, Plume Noire écrite avec Vannier reste pour moi un sommet folk. Elle a sorti un album il y a deux ans et je l’ai invité à venir jouer à un concert à Liège, à se produire aux côtés de Laetitia Sadier. Ce fut un moment magique. Emmanuelle, c’est quelqu’un qui vous tire vers le haut, elle est comme un ange. Et quand elle joue ses instruments rares ou chante, elle est dans le son. La session a eu lieu au CBE à paris , le studio de Bernard Estardy entre deux sessions de Tony Allen !
Votre musique est à la fois kitsch et futuriste, le ressentez vous comme ça aussi ?
Benjamin : Hum, difficile à dire, pour moi elle est essentiellement cinématique et hypnotisante. La rencontre avec Damo Suzuki avec qui on a joué dans le projet Damo Suzuki’s Network fut important pour le groupe. Il a ouvert des portes pour notre manière de créer dans l’instant, d’être dans le son et la création perpétuelle. Et aussi pour la manière de fédérer nos énergies.
Jampur : Le synthé a souvent été l’image du futur, mais la musique des Loved Drones peut-être aussi ressentie comme une musique futuriste d’un passé lointain, dirais-je. En enregistrant, j’étais transporté en 1973 en train d’enregistrer une musique de film futuriste de science fiction (toujours avec des femmes nues et des nazis). Je pense aussi qu’elle est très visuelle.
Simon Frith (musicologue) suggère que l’on peut diviser l’histoire de la musique en trois phases chacune organisée autour d’une technologie différente d’archivage ou de restitution : l’oreille, la partition et l’enregistrement. La musique était d’abord jouée “à l’oreille” et il n’y avait pas de distinction entre composition et interprétation. Puis vint la partition qui n’était plus une musique pour les oreilles mais pour les yeux qui entraîna une division du travail entre compositeur et interprète. Enfin l’enregistrement qui brouille les frontières pour donner une primauté au son et se retrouve entre les deux extrêmes que sont l’oralité et la notation de la musique. Où se situe la musique de The Loved Drones là-dedans ?
Benjamin : La musique des Loved Drones, à mon sens, se compose, s’arrange et s’écrit en la jouant, dans le mouvement, l’écoute et la connexion entre les musiciens. Ensuite, il y a une grosse étape, on laisse du temps, étape pendant laquelle – comme pour le montage d’un film – on réécrit sur ce qu’on a enregistré, toujours en tenant compte de la matière première qui existe. On rajoute, on coupe des parties, on introduit des nouveaux thèmes mélodiques. L’idée aussi est ne pas être arty et ennuyeux pour l’auditeur. On voulait un disque vivant et pas un truc casse-pied.
Jampur : Le plus important pour nous est de jouer tous ensemble, dans la même pièce, ce qui entraîne une part d’improvisation, donc effectivement on écrit la base des morceaux en jouant. Mais la partie arrangements donnera la couleur définitive des morceaux.
Vous considérez-vous plus comme un groupe de rock expérimental ou un groupe de rock progressif ?
Benjamin : Je pense que les Loved Drones sont surtout un groupe inclassable, mais la plus grosse influence qui nous rassemble est le Krautrock et la musique hypnotisante.
Jampur : On cherche à progresser en expérimentant, mais les étiquettes sont parfois réductrices. Rock hypnotique se rapproche plus de ce qu’on fait.
Quel regard portez-vous sur le rock aujourd’hui ?
Jampur : Même si on dit que dans le Rock tout a déjà été fait (pas totalement faux), on découvre des perles tous les jours. Les Loved Drones achètent des disques de groupes actuels, vont a des concerts de groupes actuels… La relève est assurée. Au niveau business, c’est une autre histoire…
Marc : Un oeil en coin, passionné et à 360 degrés, mais je ne suis pas l’actualité comme un adolescent. La surprise peut venir de nouveautés ou d’anciennes pépites méconnues. Par exemple, le label Finders Keepers Records redécouvre et diffuse des perles. Lors de notre tournée en Angleterre avec les Loved Drones, on a ratissé les magasins de disques, neuf ou d’occase, CDs ou vinyls. Chez Picadilly Records à Manchester, j’ai demandé au vendeur de me pointer des nouveautés qu’il trouvait bien. J’en suis sorti avec “World Music” de Goat et l’album “Toy” du groupe du même nom. Un régal !
Êtes vous des partisans du « c’était mieux avant » ?
Benjamin : Non. Définitivement non. Nous sommes à une époque charnière, on peut découvrir un siècle de musique enregistrée, il faut en profiter car des choses disparaissent. Qui se souviendra encore de la musique du XXème siècle en 2135 ?
Jampur : Non ! Y a peut-être une escalade à la surconsommation-fastfood de la musique (et du reste), du genre tout est dispo en un clic, qui pourrait faire regretter un poil le temps où l’on découvrait la musique autrement. Mais là, c’est la nostalgie qui parle. Tant qu’il y aura du vinyle et des amplis à lampe, je serai content.
Marc : Certainement pas. Le “c’était mieux avant” contient un horrible goût de nostalgie qui ne me dit rien qui vaille, comme si quelque chose s’était perdu en chemin. Au contraire : on gagne du nouveau tous les jours ! Il y a plein de merveilles qui apparaissent, et d’autres qu’on redécouvre aussi parce que notre oreille évolue.
Quel rôle a joué le producteur Benjamin Schoos sur cet album ?
Benjamin : Disons que j’étais le plus motivé pour passer des heures et des heures sur la préprod du disque ! On m’a donc nommé producteur ! J’ai une passion pour le travail de studio, ce qui est loin d’être le cas de tous les membres des Loved Drones.
Marc : Benjamin a réellement porté ce projet. Il en est le déclencheur et l’instigateur.
Est-ce Freaksville Record qui est venu vous trouver ou l’inverse ? Quelle rapport entretenez-vous avec le label ?
Benjamin : Tous les musiciens des Loved Drones sont aussi impliqués dans le label Freaksville, c’est vraiment notre QG musical, notre maison d’accueil. Donc, on allait pas chercher un autre label alors qu’on avait tout à demeure ! 4 Loved Drones sur 5 sont également animateurs radios sur notre radio en ligne www.radiorectangle.be
Jampur : Freaksville Record, c’est la maison des expériences. C’est excitant. Une sorte de labo musical du CNRS où l’on cherche et trouve plutôt des formules explosives.
Avez-vous des side-projects ?
Benjamin : Oui, chaque musicien des Loved Drones joue dans des groupes différents.
Jampur : Actuellement, je joue dans Les Minutes, side project Franco-Belge contenant des collègues auteurs de BD (Mezzo, Parrondo). Garage 60’s, pour situer.
Marc : Marc Morgan et Les Obstacles et Phantom Feat. Marie-France. On peut dire qu’il y au moins un membre des Loved Drones derrière la plupart des projets publiés sur Freaksville Record.
Des concerts en France sont-ils prévus ?
Benjamin : Nope. Mais on a fait une tournée de 10 dates en Angleterre en novembre dernier. On joue de temps en temps en Belgique.
Peut-on espérer qu’un deuxième album voit le jour ?
Benjamin : Yes ! On le commence cet été !
Une interview des Loved Drones menée par Barth pour le webzine lebuffetplaylist.fr le 18 avril 2013.
Liens.
Lien vers l’article sur lebuffetplaylist.fr :
http://lebuffetplaylist.fr/entretien-avec-the-loved-drones/
Le site des Loved Drones :
http://www.theloveddrones.com/
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