Un article de Nicolas Alsteen paru dans le magazine Accroches n°43 (décembre 2010 – janvier 2011).
Freaksville Record Shebam, Pop, Punk, Wizz !
On n’arrête plus le label Freaksville : un nouvel album de Jacques Duvall en préparation, une livraison de Miam Monster Miam, un disque solo de Charles Blistin (ex-Tellers) et un pour Android 80s. À ces sorties discographiques, il convient d’ajouter l’inauguration digitale d’une foire aux tubes ultra pop : le Single Club. Insouciant et prolifique, le label Freaksville ne perd pas de temps. Et fête aujourd’hui ses cinq ans.
Imaginé par l’inénarrable Benjamin Schoos (Miam Monster Miam), Freaksville Records ouvre ses portes, à Liège, en 2006. Pour une bonne et simple raison: mon contrat avec la Soundstation arrivait à terme. N’ayant plus de contrat, l’idée de base, c’était de sortir mes disques, concède-t-il. À l’époque, je planchais sur l’enregistrement d’un nouvel album intitulé L’homme Libellule. Lors de ces sessions, on a enregistré des jams. Elles ont servi de base à Hantises, l’album de Jacques Duvall. Il n’avait plus chanté depuis des années. Et, au départ, il ne souhaitait plus donner de concerts. De notre côté, on a essayé de trou- ver le moyen de le faire rejouer. La solution, le compromis, est venue de la création de Phantom, sorte de cabaret pop-punk gentiment déjanté. Phantom et Jacques Duvall ont véritablement donné naissance au style développé par Freaksville entre 2006 et 2009, souligne Benjamin Schoos. On assiste alors à l’émergence d’un rock garage belge francophone aux textes acides. Hantises devient la première sortie officielle du label. Suivent des disques pour Sophie Galet et Juan d’Oultremont (Bambi is Dead). Le point commun des disques Freaksville découle d’abord d’une contrainte économique. On a d’em- blée essayé de trouver une dynamique qui permette d’enregistrer quatre disques par an pour le prix d’un, explique-t-il. Avec le temps, on s’est organisé. On parvient désormais à monter des sessions d’enregistrement en Angleterre, à Londres ou Oxford. On reçoit des aides de la Communauté française. Ce n’est pas systématique, mais certains disques sont subsidiés.
Jusqu’en 2009, Duvall chapeaute ses interprètes “fétiches“ à l’aune de Phantom. Un disque est réalisé avec Marie-France, un autre avec Lio. Mais enregistrer 25 albums sous ce projet n’aurait eu aucun sens. Inutile de tirer sur la corde. Après Lio, quel artiste pouvait encore rencontrer Phantom ? Au dé- part, un album avec Lio, ça nous semblait impossible. Ça impliquait une série de responsabilités qu’on ne voulait pas spécialement endosser. On est un vrai label indépendant. C’est une de nos marques de fabrique : c’est une structure montée par des musiciens…
“L’idée, c’est d’enregistrer uniquement des singles !”
On est donc réaliste, conscient de tout. On connaît les réalités de l’époque.
Aujourd’hui, on cherche à s’éloigner de la notion d’album pour se concentrer sur le Single Club. On va essayer de tou- cher à d’autres styles musicaux. Sans pour autant renier notre côté déglingué. L’idée, c’est d’enregistrer uniquement des singles. Des formats qui répondent aux poncifs de la pop. On compte sortir un single chaque mois. Uniquement en digital. Par cette initiative, le label entend répondre à l’air du temps (avec un format personnifié par l’iPod) tout en jouant la carte nostalgique des glorieuses productions d’antan (l’odeur du 45 tours n’est jamais loin). À ce jour, le Single Club compte trois adhérents. Trois réussites qui ressuscitent les grands moments de la pop. Il y a d’abord le sucré Je ne vois que vous, écrit par Duvall et interprété par Mademoiselle Nineteen. À 19 ans, la jeune recrue du label ravive avec charme et naïveté refrains bubble gum et mélo- dies adolescentes. Dans la foulée, Freaksville publie le morceau Worlds Away qui voit le de- mi-dieu de l’épopée shoegaze Mark Gardener (Ride) accompagner James Race, jeune trio liégeois pour qui les noms de John Barry ou Scott Walker brillent comme autant de constellations étoilées. Récemment, le Club a sorti Comme par désenchantement, morceau troublant sur lequel Duvall livre sa réplique mélancolique à Coralie Clément. Superbe. Inutile d’en rajouter: on attend la suite avec impatience. D’autant que Freaksville annonce une collaboration avec le timbre éthéré et langoureux de Laetitia Sadier, égérie du groupe Stereolab. À l’avenir, je compte réduire la production de disques – sans pour autant l’arrêter – et me concentrer sur ces singles et les compilations. Cette option m’excite : on peut sortir plus de groupes inconnus sans se lier complètement. En plus, ça permet de réduire les coûts de production et d’être présent dans l’actualité de façon régulière.
La recette du chef
Phantom feat duvall (2006) Hantises :
Premier disque et acte fondateur du label. Il restera à jamais dans le catalogue. J’adore presque tout dessus: l’esprit série B, la voix nicotinée, le chanté-parlé de Du- vall et la pochette. C’est un des disques préférés de Miossec.UFO Goes UFA (2008) Pop Garage Symphony Number 9 :
Un brûlot post-punk naît de la rencontre entre la section rythmique de Phantom et Brian Carney. J’adore ce disque pour son côté « Stooges vs Captain Beefheart». L’album est ignoré en Belgique mais décolle à l’étranger. Dommage que trois semaines après sa sortie, il ait dû être complètement détruit suite à un litige de copyright avec le DJ Zombie Nation. Cela portait juste sur le nom d’une chanson. J’espère pouvoir le rééditer.Juan d’oultremont (2009) Megaphone’s Juda :
Ça ne ressemble à rien de connu en chanson française. Quand je vois que Katerine cartonne, je regrette que Megaphone’s Juda n’ait pas connu un chemin un peu similaire. Sa pochette, signée par le génial Pierre Lapolice, est magnifique. Les beats sortis d’un Commodore 64 sont dingues. Certes, Juan n’est pas un chanteur. Mais c’est un grand artiste fou qui s’inscrit dans la lignée d’un Marcel Duchamp.Man from Uranus (2009) Amazing Science Friction :
Cet Américain frappadingue est basé à Cambridge. Il a été claviériste de Broadcast et a joué avec Faust et Add N to (X). Ce mec est un bricoleur et compositeur de génie doublé d’un vidéaste dingo. J’adore.Phantom feat Marie France (2008) Album éponyme :
C’est la rencontre entre Phantom et la mythique Marie France, véritable symbole du Paris seventies. C’est un faux disque de rock. Il s’agit plus d’une collection de ballades à la production sale et noisy. Lors de sa dernière tournée, Alain Bashung l’écoutait souvent. Il a confié à Jacques Duvall qu’il aurait aimé enregistrer un tel disque. Qu’il lui donnait du punch. Ça nous a beaucoup touché.Android 80s (2011) Suburban Robot :
Il aura fallu 5 ans à Android 80s pour enregistrer cet album qui, à mes yeux, reste une pièce maîtresse du label. C’est un oratorio electro-pop avec de longues plages hypnotiques. Pour fans de new wave et de grandes mélodies. Brillant !
Nicolas Alsteen.
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