Les Tricheurs : as de coeur

Un article de D.H. paru dans le magazine Télé-Moustique n°3308 du 22 juin 1989.

Les Tricheurs : as de coeur.

C’est pas facile. Je veux dire que quand on a sous la main un groupe tel que les Tricheurs, tout bon de partout et en plus – cocorico (ou rugissement léonin plutôt) sympathiques compatriotes, il n’est pas aisé de faire la part du feu entre le dithyrambe et le cirage de pompes. On a toujours peur d’en faire trop et d’atteindre l’inverse de l’effet recherché.

On vous a parlé de l’album, on vous a parlé d’eux déjà, et voilà qu’on repasse la soupière. Ne détalez pas, jusqu’à preuve du contraire, on n’a pas encore trouvé mieux que la répétition sur tous les tons pour tenter de vous convaincre. Ils seront en concert à l’AB ce 27 juin, lors de la petite surboum francophile que nous soutenons des deux mains. Alors voilà, ils sont six et vivent à Huy, un album à leur actif. Se connaissent depuis des lustres et forment un vrai groupe, chose rare en ces années sampling.

– “C’est excessivement important pour nous d’habiter tout près les uns des autres. On répète régulièrement, on travaille. C’est ça qui nous tient ensemble, on vit beaucoup pour ce groupe. Si nous étions disséminés aux quatre coins de la Belgique, sans doute en serions-nous déjà à parler des ventes, de la promo, à trainer dans les pattes de la maison de disques, et ce genre de choses fout très vite le bordel, l’aventure se serait peut-ètre même déjà terminée. C’est le travail qu’on fait ensemble, loin de tout, jour après jour, qui nous tient ensemble. On n’a pas envie de faire juste un coup, c’est ce plaisir d’être ensemble qui nous porte.”

Malgré des passés musicaux qui couvrent un spectre aussi large que l’abîme qui sépare la mouvance Joy Division du rock à alibi rigolo, les Tricheurs ont trouvé un style. Marc Wathleu amène les chansons et une ligne mélodique, et ensemble, ils développent, ils élaborent jusqu’à une épure pop qui s’est vu à plusieurs reprises accoler l’étiquette “Aubert” … Ah bon? Ça tient sans doute à cette manie des journalistes de placer très vite des étiquettes. Mais tu sais, on a donné notre album à un critique flamand qui nous a dit que cela lui faisait penser à The Cure des débuts.” En fait, ils se sentent proches des Innocents, de cette veine française pop encore un peu vierge. Mais y a-t-il des différences entre eux qui tiendraient à la géographie?

– “Ça a l’air très con à dire, mais nous possédons notre propre local, qu’on utilise comme un labo, où l’on peut essayer, développer des choses. La plupart des groupes français, c’est hallucinant, n’en ont pas. En plus, à Paris, tu peux pas faire un geste sans que tout le monde soit au courant. On a vu des groupes défiler au studio où nous enregistrions l’album, et ils ne sont jamais là ensemble, c’est vraiment étrange, c’est pas comme cela que nous voyons les choses.”
En fait, pourraient-ils imaginer vivre un jour sans jouer dans un groupe ? “Non, on a toujours joué. Et si par hasard nous devions splitter – mais ça n’est vraiment pas à l’ordre du jour -, je crois qu’on relancerait un groupe avec les mêmes.” Le chemin est encore long et ils le savent. Et l’apparente facilité avec laquelle ils prennent la chose donne envie qu’ils y arrivent vite, bien et fort.

– “Pour le moment, il y a une chose que je sais, c’est que sur mon étagère, il y a un LP, un CD, une cassette, une affiche. Ça prouve que les gens s’intéressent à notre travail, c’est tout ce qui compte, on n’a pas envie de se prendre la tête sur des questions de chiffres de vente, de plan de promo. On préfére vivre notre actualité à nous, les dix chansons sur lesquelles on travaille d’arrache-pied pour le moment. Parce que, au bout du compte, c’est sur cela qu’on sera appréciés ou haïs.” Oui, qu’ils y arrivent vite, qu’ils effacent même jusqu’au souvenir d’inepties genre David et Jonathan.

Et dans cette perspective, seraient-ils prêts à quitter leur base de Huy pour Paris ?
– On n’aimerait pas cela du tout. C’est pas notre truc d’aller trainer et frimer dans les bars. En fait, Paris, ça pourraient coller si on était en banlieue avec une salle de répet’ au-dessus d’un garage!” Tendez vos lèvres, c’est leur tournée.

D.H.

Les Tricheurs le 27 juin en concert à l’Ancienne Belgique avec Daniel Darc, Les Innocents et La Fiancée du Pirate.

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