Morgan, père et fils, jeu, set et Mash

Un article de Marie-Anne Georges paru dans le journal La Libre Belgique du samedi 03 décembre 2011.

Morgan, père et fils, jeu, set et Mash

Marc Morgan, le père, musicien dilettante, sort avec ses Obstacles “Beaucoup Vite Loin”. Maxime Wathieu, le fils, et son groupe The Mash sortent leur premier album, “Disconnected”.

L’un commande un expresso, l’autre un chocolat chaud. Dans la famille Wathieu, j’appelle le père, Marc (nom de scène Morgan), et le fils Maxime (du groupe The Mash). Atavisme ? Toujours est-il qu’aussi bien Maxime, 21 ans, que Juliette, 19 ans, les deux enfants de Marc, tracent leur propre sillon dans la musique. En cette année 2011, les deux hommes sortent chacun un album. Le quatrième pour Marc Morgan – accompagné par de nouveaux musiciens, les Obstacles – presque dix ans après “Les parallèles se rejoignent” : pour le Hutois, “l’envie de faire de la musique, ce n’est pas une envie économique, c’est une envie artistique” . The Mash, le groupe de Maxime, vient d’enfin signer chez Autobahn, un petit label distribué par Pias, qui a gravé “Disconnected”. Alors que l’un se revendique plutôt du rock français, l’autre a complètement intégré l’anglais – s’il fallait qualifier le style de The Mash, on emploierait l’expression “britpop à la belge”.

D’entrée de jeu, on les fait réagir sur leur pochette respective. “On a fait cette pochette avec Jean Mahaux, un ami de papa. On s’est amusé, on a invité tous nos copains. La photo a été prise dans notre local de répétition. On s’est juste demandé : que faire pour attirer l’attention ? Et on s’est dit : on va cracher des câbles.” Le jeune adulte, anxieux, n’hésite pas à questionner son paternel : “Ça va se remarquer dans les magasins ?” “Ben j’espère” , répond l’intéressé, par ailleurs professeur à l’ERG (Ecole de recherche graphique de l’Institut Saint-Luc à Bruxelles). Et sa pochette à lui, comment la commente-t-il ? “C’est beaucoup plus classique, on va dire. C’est une photo qui provient d’une série qu’on a faite à Berlin, là où on a enregistré l’album. La photo a été prise dans un Photomaton relativement connu de la Kastanienallee.” “C’est beaucoup plus recherché que la nôtre , interrompt Maxime. Ben non. Au début, le but n’était même pas de faire une photo pour une pochette, mais de capter des moments. On voulait un instantané, il n’y a aucune sophistication.

À première vue, l’on s’étonne du choix de Berlin. Marc ne manque pas de relever que la ville possède de réels atouts artistiques. “C’est une ville que j’ai découverte il y a quelques années.” “Depuis, tu ne parles plus que d’elle, observe Maxime. Mon but, c’était d’enregistrer dans un studio de manière live. Je cherchais une aventure humaine, un lieu à explorer. Les musiciens étaient d’accord pour rallier Berlin. On a donc embarqué le matériel dans les voitures et on est parti.” Et Maxime, son rêve, ce serait d’aller enregistrer où ? “Au studio ICP” , répond-il sans hésitation. “Ah ouais ?“, s’étonne son père. “Ou à New York, pour l’ambiance, enchaîne-t-il comme s’il devait se rattraper. Ce que je voulais dire, c’est que je suis aussi ingénieur du son, donc les studios ICP, c’est un peu un rêve pour moi.” Son nom apparaît en effet au crédit de l’album de son père. “Oui, oui, il m’a exploité” , sourit Maxime. “Du coup, maintenant, je l’appelle producer” , glisse Marc dans un éclat de rire.

Avec de telles personnalités, on en vient naturellement à se demander quelles musiques, sous le toit familial hutois, ont tourné voire tournent encore sur la platine. Sans oublier, pour la jeune génération, les téléchargements. La discothèque d’un jeune d’une vingtaine d’années se réduit-elle, dorénavant, à du virtuel ? “J’ai quelques disques. Une partie que j’ai achetée, une partie que j’ai volée à papa. Je télécharge aussi parce que j’aime bien découvrir des groupes inconnus. Là, je croise les doigts, je vais peut-être commencer à travailler donc je pourrai acheter des CD. Mais je fais un peu un mix des deux.” Au moment de l’interview, il y a environ un mois, Maxime venait de terminer ses études d’ingénieur du son à l’IAD après avoir présenté son mémoire ayant pour thème : “la direction artistique”.

Revenons à nos moutons et osons les contrastes qui tuent. “Plutôt Beatles, plutôt Rolling Stones ? Plutôt Oasis, plutôt Blur ? Plutôt Stone, plutôt Charden ?” Mathieu se risque, lapidaire. “Moi plutôt Beatles et plutôt Blur. De Blur, je connais surtout les gros singles. Et je viens de découvrir leur album Parklife . Je l’ai téléchargé et j’adore.” “Je l’ai, je te signale” , lui fait remarquer Marc, incisif. Et du côté du géniteur, quels sont les choix ? “Je suis plutôt fasciné par les Beatles. Et par les Beach Boys.” “Ouais, les Beach Boys, aussi” , s’empresse d’abonder Maxime. “Mais le groupe vers lequel je reviens souvent, c’est le Velvet Underground. Quant aux Beach Boys, si je n’ai pas leur intégrale, j’ai énormément de leurs disques en tout cas. Quand il était petit, alors que j’étais en train d’écouter l’album Pet Sounds , il m’a dit : Oh, c’est bien ça, c’est qui ? Spontanément, comme cela, en toute innocence” , s’émerveille Marc. “Sinon, je suis plutôt Blur“, continue-t-il. “Et c’était quoi le dernier ?” s’inquiète Maxime. “Stone et Charden. Tu ne sais même pas qui sait“, commente le pater. On conviendra que son ignorance n’est pas une grande perte.

C’est quand même toi qui m’as éduqué musicalement” , reprend Maxime. “Pas toujours. Il y a toute une génération de groupes auxquels je ne me serais pas intéressé si tu n’avais pas débarqué dans la cuisine avec. Les Strokes, par exemple. Ceci dit, y’a un truc qui m’a toujours intrigué. Quand tu avais 9 ans, t’avais jeté ton dévolu sur une branche du rock que moi je ne connaissais pas vraiment. Celle de groupes comme Rage Against the Machine.” “Oui, je me rappelle, c’est à l’époque où on est allé aux Etats-Unis. J’avais acheté tous leurs albums là-bas.” “Je me suis toujours demandé d’où venait le fait que tu avais flashé sur ce groupe.” “J’ai la réponse. C’est dans un jeu vidéo de skateboard.” Une vraie partie de ping-pong, cet échange. Calme, courtois, même si le père a parfois tendance à secouer quelque peu son fils. Davantage pour l’encourager que pour le rudoyer.

Morgan, père et fils, jeu, set et Mash

Ainsi, alors que l’on évoque l’anglais, langue dans laquelle Maxime chante. “Cela me semblait logique de chanter dans cette langue, répond-il, vu que tous les groupes que j’écoute sont anglophones.” “Ça te semblait logique de chanter en anglais ? Alors ça, c’est drôle.” Marc ne cache pas sa surprise et tente une explication : “L’identité médiatique de la musique anglo-saxonne possède une espèce de richesse et de diversité. A contrario, du côté francophone, on a l’impression que cela ne se renouvelle pas.” Et de questionner son rejeton. “Y a-t-il un artiste francophone dont tu penses : putain, j’ai envie de lui ressembler ?” “Ben, heu, non , glisse l’intéressé. C’est ça le problème !” Le paternel ne le lâche pas. Une autre question fuse. “As-tu des disques en français ?” ” Ch’ sais pas, peut-être. Marc Morgan, y’a en a un dans mon armoire” , sourit-il. Et la discothèque de Marc, rayon francophone, comment est-elle garnie ? “J’en ai plein. Ce sont des personnalités marquantes. Cela va de Gérard Manset à Gainsbourg, en passant par Bashung, les Rita Mitsouko, Miossec, Murat

Entre fidélité absolue au français et concession à l’anglais, le choc des générations se fait, par la force des choses, sentir. Pour les thèmes, par contre, on puise dans une manne commune. Maxime se lance : “Il y a quelques chansons qui sont inspirées par des histoires personnelles, d’autres qui naissent après avoir regardé des films, par exemple. J’aime bien ceux de Terry Zwigoff, comme Ghost World . Ce sont des regards sur l’adolescence très stéréotypés, plutôt marrants.” “Ghost World, c’est vraiment un hit dans notre famille” , se réjouit Marc. “Le titre Good day to die , je l’ai écrit après avoir lu Un bon jour pour mourir de Jim Harrison“, continue Maxime. Son père n’en revient pas : “Et ben ça, je suis content.” “Oui, c’est toi qui m’avais offert le livre, précise-t-il. On a tous les bouquins de Jim Harrison à la maison. Là je me dis : il y a quand même des trucs à portée de main qui peuvent inspirer.” Comme le graffiti aperçu à Bruxelles à l’entrée de l’autoroute de Namur, “Beaucoup vite loin mal” qu’il a un jour noté dans un carnet avant de broder des paroles autour.

“Beaucoup Vite Loin”, un CD Freaksville Records.
“Disconnected”, un CD Autobahn/Pias.

Marie-Anne Georges.

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