Le Freaksville de Mister Miam

Un article de Thierry Coljon publié dans le journal Le Soir du 14 octobre 2010.

Le Freaksville de Mister Miam

Le Freaksville de Mister Miam.

Le Serésien Benjamin Schoos, plus connu sous le nom de Miam Monster Miam, est un artiste entrepreneur un peu fou qui a réussi le pari – improbable en cette période de crise du disque – de faire vivre un label nourri au second degré, aux références mythiques et aux seuls coups de cœur.

“Freaksville est en passe de devenir un des derniers labels wallons producteurs de rock, ce qui me fait un peu peur”, confesse Benjamin. Après 5 ans d’activité intense, à sortir un album tous les trimestres en moyenne, l’heure est au bilan pour Freaksville. Pan ! Volume 1 est la compil de 13 titres sortie pour l’occasion. On y retrouve Phantom, Lio, Marie France, Jacques Duvall et Miam, mais aussi Ufo Goes UFA, Osaka Airline, Captain Kirk ou Patrick Eudeline : du garage rock à l’esprit punk, du blues perverti par des chansons louches : “Un cocktail décapant de rock belge underground distillé au white-spirit”, comme le dit le slogan maison.

Pour fêter les cinq ans de Freaksville, Miam avait prévu une grande fête avec Phantom clôturant la tournée de Lio. Mais celle-ci, souffrante, n’a pu tenir son rang : “Lio nous a permis de toucher un public inhabituel pour Freaksville. Elle a accepté de se faire filmer par Didier Verbeeck durant six mois pour un Strip-tease. Elle a joué le jeu jusqu’au bout, sinon qu’elle ne nous a pas invités quand elle a fait Drucker.”

Fin de l’épisode Phantom donc : “Un fantôme est fait pour disparaître. De toute façon, il s’agissait dans mon esprit d’une trilogie “duvallienne”, avec Jacques, Marie France et Lio. Mais en fin de compte, on a vendu autant de disques de Jacques Duvall que de Lio.”

Benjamin, qui ne manque jamais d’idées, passe tout de suite à autre chose et propose dorénavant un nouveau groupe, Miam Monster Miam & les Loved Drones, où l’on retrouve Pascal Schyns, Brian Carney et Marc Wathieu/Morgan. Femme plastique, le premier album, est déjà dans les bacs et il est jouissif. C’est du rock rentre-dedans, en français (merci Duvall), avec une reprise de la Variété et même la dernière apparition au piano de Marc Moulin (“Je vois dans le noir”). Mais réalisé en Angleterre, dans l’esprit pop de Taxi Girl, les guitares en plus.

“C’était l’envie de faire un album direct, dans l’esprit de Freaksville, un peu série B. On l’a fait en Angleterre pour changer d’environnement et se confronter à un autre point de vue musical. On est plus anglophiles que francophiles quelque part.”

C’est vrai que grâce à Marie France et à ses contacts, Phantom a réalisé une belle percée underground outre-Manche, où ils sont un peu perçus comme un “cirque belge” frais et délirant.

Sans réaliser des scores commerciaux extravagants, Freaksville parvient à vivre de sa passion et à voir l’avenir en rose fluo : “Les albums de Phantom se sont vendus en moyenne à 2.500 exemplaires. Ils restent rentables car réalisés dans notre studio de façon artisanale. Le marché français nous a fragilisés car y développer un disque coûte plus cher. C’est plus compliqué. On est aussi producteurs de spectacles, ce qui équilibre la balance. On perçoit des droits en tant qu’auteurs, compositeurs et des aides privées ou de la Communauté française sur certains albums. Le disque des Loved Drones a coûté beaucoup plus cher, autour de 15.000 euros, car après le studio anglais, il a fallu payer le mixe parisien par Gilles Martin. Mais Freaksville est une ASBL. Son but est de créer des disques, pas de faire des profits. Une fois les gens payés, le reste des bénéfices est injecté dans d’autres albums. Moi, je suis, comme les autres, un salarié intérimaire du label.”

Les projets ne manquent donc pas du côté de Freaksville. Outre la sortie des albums de Charles Blistin (ex-Tellers), d’Android 80s de Brian, et des nombreux concerts tous azimuts, Freaksville lance le Singles Club : “Il s’agit de sortir sur notre site un morceau par mois d’un jeune artiste que nous choisissons. Car ça coûte cher de faire un album. Il s’agira de pop faite pour les radios. Avec des parrains comme Mark Gardener de Ride ou Laetitia Sadier de Stereolab. Il y a déjà Miss Nineteen, la fille de Marc Morgan, ou encore Coralie Clément.” Tout cela pour dire qu’en Wallonie, on n’a peut-être pas de pétrole mais bien des idées.

Thierry Coljon.

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