Un article de Thierry Coljon paru dans le journal Le Soir du mercredi 25 août 1993.
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Marc Morgan de toi.
Quatre ans après les Tricheurs glisse un cygne sur l’Orénoque.
Notre mystère, nos retrouvailles, chante Marc Morgan pour le premier single extrait de son premier album. Des retrouvailles en effet pour celui qui, sous le nom, le sien, de Marc Watthieu, menait la destinée des Tricheurs, ce sympathique et talentueux groupe hutois qui, l’instant d’un seul album sur Virgin et de quelques concerts, nous a dessiné des étoiles dans les mirettes. C’était il y a quatre ans. Puis le silence. On revivait pour la énième fois l’histoire d’un bon groupe belge se séparant prématurément alors qu’il portait tous les espoirs. Dole nous avait fait le coup peu de temps auparavant. Déçus parfois par le manque de ferveur de la presse belge, les groupes belges devraient aussi penser que cette même presse peut être à son tour déçue par le manque de persistance de certains. Si Dole n’a accouché de rien, au moins les Tricheurs viennent-ils de connaître, à retardement, une prolongation plus que satisfaisante: Marc Morgan.
Il s’agit bien du même Marc, l’ami des Innocents avec qui il partage le béret :
Les Tricheurs étaient le groupe idéal d’un point de vue humain. Grâce à nos racines communes, notre proximité à Huy mais j’ai dû être réaliste. Le second album était prêt mais je n’avais pas les moyens, Virgin n’était plus intéressé et un petit label m’aurait forcé à brader le répertoire. Je voulais aussi que ça sorte à Paris, c’est de l’idéalisme. Et ça ce n’était plus possible avec le groupe qui n’était pas passionné par l’écriture, il aurait dû me suivre durant une longue période où il ne se passait rien. Habitant à Huy, tu dois sans cesse relancer la machine par d’incessants allers-retours Bruxelles-Paris. Quand tu te présentes là-bas, il faut être crédible. J’étais sans contrat et la sévérité des gens à Paris avant de signer fait que tu dois vraiment avoir envie de te battre. C’est vrai que j’ai un peu d’amertume quand je repense au groupe car c’est plus dur d’avoir de vrais amis à 30 ans qu’à 14. Je me sens bien seul aujourd’hui, j’ai fait un gros travail de coureur de fonds.
Il faut savoir que Marc est également prof à Saint-Luc, à l’école de recherche graphique où il enseigne la communication par l’image :
Je suis plutôt un agitateur de particules. Au départ, j’étais illustrateur puis j’ai élargi cela à l’audio-visuel. C’est très important l’image quand tu veux vendre quelque chose. Par exemple, pour attirer l’attention d’un directeur artistique d’une firme de disques, pour ne pas être noyé dans le tas de cassettes qu’ils reçoivent, j’ai envoyé à tous une petite boîte avec l’album des Tricheurs et une présentation originale. Ça prend du temps pour tomber sur la bonne filière. C’est Yves Bigot, le journaliste qui aujourd’hui travaille pour le label Fnac qui a le mieux réagi. Dès notre première rencontre, s’est installé un respect mutuel.
Est donc né «Un cygne sur l’Orénoque», quatorze chansons où on retrouve ce sens de la chanson bien écrite, la filiation Manset-Murat comme modèles, ainsi que la proximité spirituelle des Innocents :
Pour le béret, je voulais trouver un élément afin d’encadrer mon personnage. Comme je ne suis pas un rat de garde-robe, j’ai choisi le béret. Ça fait un peu Dupont-Dupond avec Jipé mais ça ne me gêne pas. On se retrouve alors qu’on était dans la même firme à l’époque des Tricheurs, c’est un peu la même famille de chansons pop-rock. Il me fallait encore trouver un nom et c’est en tombant sur une photo de Michèle Morgan que j’ai été inspiré.
Le cygne se trouvant sur l’étang d’un château près de chez lui, à Huy, l’a également inspiré. Et suivre quelque chose d’inaccessible est plutôt un bon départ pour un répertoire tout en finesse, en tristesses feintes, en teintes pastel. Il porte un ange en filigrane, parfois sous sa peau diaphane, j’vois briller son étoile, chante-t-il. À nous de le suivre…
Thierry Coljon.
Marc Morgan : «Un cygne sur l’Orénoque» (Fnac Music / PiaS!).
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