Un article de Etienne Tordoir paru dans La Libre Belgique du 11 mars 1993.
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Morgane de Marc, ancien Tricheurs.
Morgan traverse le microscosme musical avec l’assurance des artistes intemporels.
Il continue imperturbablement à dispenser son savoir aux étudiants de l’ERG, une école bruxelloise qui poursuit sa “recherche en arts graphiques”. Dans les ateliers aux murs nus, certains étudiants connaissent la double vie d’un prof pas comme les autres. Si Marc Wathieu habite toujours du côté de Huy et prend régulièrement sa voiture pour venir hanter les environs de la place du Châtelain, son alter-ego Marc Morgan a préféré le chemin de l’exil parisien. “Ce serait totalement impossible de m’installer ailleurs” confie Marc Wathieu. “L’idée ne m’a jamais effleuré. Pendant l’enregistrement de cet album, toutes les raisons de lâcher prise et de m’exiler étaient réunies mais je n’ai pas craqué. Quand on veut chanter, la logique te souffle rapidement de laisser tomber. De mon côté, j’ai voulu passer le cap de la trentaine sans remiser ma guitare à la cave car je n’arrive pas à me satisfaire d’une vie pépère. Pourtant je l’invoque parfois et je me dit que tout serait plus simple si j’étais chef de gare à Huy-Nord. Mais, dès que j’en aurais compris les limites, je deviendrai complètement dingue. C’est pour éviter ce piège que j’apprécie aussi le métier d’enseignement. On peut toujours élargir le cadre dans lequel on travaille. Pour revenir à la musique, la plus grande victoire est que ce disque existe tel que je le rêvais“.
Ancien rédacteur en chef de l’édition française de “Rolling Stone”, Yves Bigot préside aujourd’hui aux destinées du label Fnac Music. Séduit par l’optimisme forcené de Marc et ensorcelé par les phrases qu’il tresse comme autant de colliers de fleurs parfumées, il lui a donné une première chance. Finement ciselés, les refrains s’enroulent naturellement autour, de couplets ourlés d’images étrangement poétiques. La délicatesse du propos, la finesse des orchestrations et le choix des mots n’empêchent pas le choc des mélodies. N’hésitez donc pas à hausser le volume…
Optimisme à tous les étages.
Intarissable, Marc Morgan se métamorphose en moulin à paroles. Il déclare sa flamme à Neil Young auquel un éditeur mal inspiré lui a empêché de rendre hommage à sa manière avant de se déclarer “désespérément optimiste”. Sans rechercher le moins du monde les effets de robe chers aux avocats devant un jury d’assises, il joue naturellement avec la langue française et, comme par mégarde, déniche une expression qui laisse pantois. “Au fil de l’histoire, j’ai pu recoudre tous mes espoirs“, chante-t-il dans “Notre mystère, nos retrouvailles”. Marc Morgan ne changera jamais d’avis. Pour lui, la vie vaut toujours la peine d’être vécue même si “Tresses de tristesse” suggère un climat plus couvert. “Dans cette chanson, j’entends une personne qui pleure et je vais à sa rencontre pour la consoler. Un peu malgré moi, je conserve toujours ce côté positif. J’ai appris à chanter chez les louveteaux autour d’un feu de camp. Cela fera sans doute sourire… Ensuite, quand j’étais en internat, on chantait également à la veillée. Avec le recul, j’ai comme l’impression que nous unissions nos voix pour conjurer une espèce de tristesse toujours présente dans ce genre d’endroits. “L’armée de l’amour” développe ce paradoxe. L’existence en elle-même n’est certainement pas formidable mais c’est à nous de la positiver“.
Etienne Tordoir.
Disque: “Un cygne sur l’Orénoque ” chez Fnac (PiaS).
En concert avec les Innocents, à la Luna (20, square Sainctelette), le samedi 6 novembre. À l’Olympia à Paris, le 15 novembre.
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