Un article de Thierry Coljon paru dans le journal Le Soir du mercredi 22 mai 1996.

Un Marc en route.

Deuxième album de Marc Morgan le voyageur, entre Huy, Bruxelles et Paris.

Si on peut se considérer vedette dès le moment où votre visage sert à devenir une poupée, alors Marc Morgan peut. Le livret de son nouveau «Les grands espaces» le voit vivre en miniature dans un joli monde années soixante qui n’est pas sans rappeler la série de notre enfance «Les sentinelles de l’air» (Thunderbirds) :

On a réalisé des maquettes et inséré des photos mais avec une poupée qui de fait existe. Je l’ai mais ma fille Juliette s’en est déjà emparé, bousillant au passage les lunettes. J’ai la cote avec elle grâce à cette poupée. C’est pour la séduire et en même temps je culpabilise de si souvent l’abandonner pour aller à Paris.

Si Marc vit toujours avec sa petite famille à Huy, il a arrêté d’enseigner le dessin à la bruxelloise Saint-Luc et se trouve plus souvent à Paris où se trouve sa firme de disques et les musiciens avec lesquels il a réalisé, à l’ICP de Bruxelles en compagnie de Phil Delire, ce disque :

J’ai repris la chanson «Bruxelles» de Dick Annegarn parce que j’adore cette chanson et que je n’arrive pas à m’imaginer écrire une chanson appelée «Huy». Avec les Tricheurs, on chantait déjà sur scène «Bruxelles». Plutôt que de chanter bêtement ma belgitude, j’ai préféré la chanson de Dick Annegarn. Les Français, ça les étonne déjà presque qu’on parle français alors j’allais pas leur parler de Huy. Ce n’est sûrement pas à Huy que je vais faire des disques. Quand t’as un groupe, ça fonctionne mais sinon c’est un autre monde. A Paris, les musiciens doivent louer des locaux pour répéter, c’est tout dire. Là, Phil m’a trouvé trois musiciens qui ont déjà joué avec Voulzy, Nougaro et Jonasz. Ces mecs ont plein d’acquis. Pour le premier disque, j’avais beaucoup fait moi-même. C’est la première fois que je demandais à des musiciens de jouer mes morceaux. Ces gars ont l’habitude de jouer pour des chanteurs. Ils ont le sens de la mise en son. Pour la scène, je vais reprendre mon groupe parisien qui avait joué avec Murat.

Après avoir dissous ses Tricheurs, Marc est parti à Paris avec ses maquettes. Ça a pris du temps mais Yves Bigot, à l’époque directeur artistique chez Fnac Music, a finalement fait confiance à Marc. L’album «Un cygne sur l’Orénoque», avec le hit «Notre mystère, nos retrouvailles», est né de cette collaboration. Radios et TV françaises ont craqué mais les ventes ont été freinées par la faillite de Fnac Music. Fort heureusement, Yves Bigot est aujourd’hui chez Mercury de l’agglomérat PolyGram. Marc fait partie des valises :

C’est lui qui a officialisé le fait que j’étais seul à bord. On a vendu quinze mille exemplaires du premier album. Pas de quoi avoir la grosse tête. Si je n’avais été qu’interprète, j’aurais flippé mais mes chansons ont été reconnues par la profession. Les ventes, franchement je n’y pense pas. Je fais des sauts de puce et je sens, au petit baromètre de la profession, que j’obtiens des résultats. C’est bon pour ma perplexité naturelle, ça justifie le fait que je passe mes journées à composer. Et qu’Yves me fasse confiance en me commandant des chansons pour le prochain Sylvie Vartan, à côté de plumes aussi prestigieuses que celles de Jean-Louis Murat et d’Yves Simon, ce n’est pas rien. Deux chansons ont été retenues. Pour moi, ce sont des pas de géant. C’est plus excitant que de rester à Huy. Huy est fatalement une ville dont tu dois t’échapper. Pareil pour la Belgique où toutes les firmes ont refusé mon premier album. Il faut prendre le train si on ne veut pas glandouiller…

Sur «Les grands espaces», on retrouve intact l’univers charmant, doux et sensible de Marc Morgan. La production est plus riche mais les chansons gardent ce petit côté artisanal. Avec des chansons qui osent encore dire «woh-oh oh-oh» comme sur le simple «Au train où vont les choses». Marc partage avec les Innocents ce soin apporté à une chanson française authentique et moderne. Une chanson française de la génération rock, comme on commence à l’appeler. Des mélodies romantiques, des rythmes vivants…

Thierry Coljon.

Album «Les grands espaces» (Mercury, distr. PolyGram).
Marc Morgan sera aux prochaines Francofolies de Spa.

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